Genève

Un collier de pâtes si stratégique

Un établissement scolaire crée la polémique en proposant de remplacer la fête des mères par une «fête des gens qu’on aime». Sacrilège, vraiment?
Un collier de pâtes si stratégique
Les enseignant·es de l'école primaire de Lully souhaitent remplacer les bricolages faits à l'attention des mamans et des papas par des cadeaux pour «les gens qu’on aime». KEYSTONE/IMAGE D'ILLUSTRATION
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Faire offrir aux enfants un cadeau «aux gens qu’on aime», une proposition bienvenue pour contrer la météo morose, non? C’est l’idée, ô combien saugrenue à en croire les cris d’orfraie qui secouent la droite, qu’a eue l’école primaire de Lully pour remplacer les traditionnelles fêtes des mères et des pères. Une façon de s’inscrire «dans la mouvance actuelle traitant de l’inclusion des genres et de l’égalité femme/homme», mentionne, peut-être un peu maladroitement, le courrier envoyé par la direction de l’école à toutes les familles.

Il n’en fallait pas plus pour déclencher l’ire des partis conservateurs, qui y voient la preuve que l’école est devenue un «camp de rééducation de masse» pour reprendre les propos tout en finesse du député UDC Yves Nidegger relayés par Le Temps. Même à gauche, le président du parti socialiste, Thomas Wenger, note qu’«il existe un attachement à la traditionnelle Fête des mères, et il n’est pas souhaitable de tout remettre en question».

Tradition dans l’air du temps

Il en faut décidément bien peu pour lancer la polémique au bout du lac. Cette «tradition» nous vient dans sa forme moderne tout droit des Etats-Unis – où sa créatrice s’est elle-même mordu les doigts face à la tournure commerciale de l’affaire. Elle s’est ensuite répandue en France pour soutenir les familles nombreuses, avant que Pétain ne s’en empare pour relancer la natalité nationale. Les réalisations artistiques des bambins veulent-elles vraiment se revendiquer de cette histoire? Et combien d’enfants, sans maman ou sans papa, cette prétendue tradition immuable laisse-t-elle sur le carreau?

Les voix conservatrices visent peut-être les familles homoparentales, ce qui est assez affligeant en soi, elles atteignent également au passage les enfants orphelin·es de père ou de mère et celles et ceux qui ont perdu le contact avec l’un·e de leurs parents. Des situations minoritaires, mais auxquelles l’école se doit d’être sensible. D’ailleurs, si on ne le communiquait alors certainement pas par voie de circulaire, il y a plus de 25 ans déjà des enseignant·es prônaient la «fête des parents» dans leur classe, sensibles aux situations individuelles qui touchaient certain·es de leurs élèves. Des visionnaires?

La stratégie d’Hiltpold

Si l’équipe enseignante de Lully croyait être soutenue par sa magistrate, la voilà bien déçue. La cheffe PLR du DIP, Anne Hiltpold, n’adhère ni au fond, ni à la forme répond-elle au Temps. Mieux, elle attend de la direction qu’elle «règle la situation dans les plus brefs délais». Car certes les établissements disposent d’une forme d’autonomie, mais «le DIP attend des directions d’établissements qu’elles consultent la direction de l’enseignement obligatoire en ce qui concerne des sujets qui impliquent des positions politiques et stratégiques». Oui, on parle toujours du collier de pâtes.

Mise bien malgré elle dans la tourmente, lâchée par sa responsable politique, l’équipe enseignante de Lully fera peut-être machine arrière. Mais la proposition d’une fête dégenrée, elle, n’est pas tombée dans l’oreille de sourd·es. Et gageons qu’elle fera des émules.

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